Si proches et pourtant si loin...

Joyce se connecta à son jeu en ligne préféré, comme presque chaque jour. Un jeu de casino. Pour se détendre. Elle appréciait de jouer avec des personnes du monde entier. Son anglais n’était pas parfait, mais suffisant pour communiquer. Ce soir-là, il n’y avait pas beaucoup de joueurs. Elle se leva pour aller prendre un verre d’eau. A son retour, un joueur avait rejoint la table. Il la salua, comme chaque joueur poli pouvait le faire. Elle répondit à son bonsoir.

Elle était française et vivait dans une île de l’océan Indien. Bojan lui était serbe. Heureusement il parlait également la langue de Shakespeare. Ils entamèrent une conversation aimable et rafraîchissante. Ils plaisantaient beaucoup et Joyce aimait ça.

Ils finirent par s’échanger un réseau pour pouvoir discuter en dehors du jeu. ¨Peu à peu une complicité naissait entre eux.

Il aimait son exotisme, elle aimait sa gentillesse. Ensemble ils pouvaient aborder tous les sujets. Ils avaient une passion commune : la musique. Bojan jouait de la guitare électrique et Joyce du piano.  Les messages hebdomadaires se transformèrent rapidement en messages quotidiens. De plus en plus nombreux, chaque jour.

Leurs regards lors des visios semblaient exprimer plus que de l’amitié au fil du temps. Ils étaient tous les deux meurtris par une déception amoureuse. Ils s’étaient promis chacun de leur côté de ne plus aimer, pour ne plus souffrir. Joyce avait fait une croix sur les sentiments amoureux. Bojan ressentait encore la douleur de sa rupture.

Ils leur étaient difficile de faire à nouveau confiance à une autre personne. Parallèlement, ils s’accordaient cette confiance inconsciemment.

Ils riaient beaucoup ensemble, de plus en plus souvent. Les soirées devenaient des nuits. Bojan osa le premier avouer qu’il commençait à ressentir des sentiments pour Joyce, qui elle, se l’interdisait. Néanmoins, chaque fois qu’ils finissaient leurs conversations, elle n’avait qu’une envie, celle de le rappeler pour le voir et entendre encore sa voix, si réconfortante.

Si Joyce vivait dans un paradis, Bojan devait supporter une situation très compliquée dans son pays. Les manifestations se multipliaient. Le désaccord entre le gouvernement et la population devenait de plus en plus virulent. La presse mondiale passait ces événements sous silence, comme si ça n'existait pas. La hausse vertigineuse des prix appauvrissait les habitants du pays. Difficile de trouver un travail, si vous ne faisiez pas partie de groupes politiques validés par le gouvernement, qui faisait bonne figure auprès du reste du monde.

Au fil des jours l’amour fini par s’installer entre Joyce et Bojan. Cela pouvait ressembler à un sauvetage amoureux, mais leurs sentiments étaient bien réels. Ils grandissaient de plus en plus. Il n’y avait qu’une seule issue : se rapprocher, être ensemble pour de vrai et pas uniquement virtuellement.

Leur mission, tout faire pour que Bojan quitte son enfer pour rejoindre Joyce sur son île. Ils avaient chacun une famille. La tâche n’allait pas être facile, pour l’un comme pour l’autre, mais cela était encore plus compliqué pour Bojan. A une distance de 10000km c’était un vrai défi.

Bojan faisait ton son possible pour rejoindre celle qui, désormais, était la femme de sa vie. Sa moitié. Ce que ressentait également Joyce.  Mais les obstacles s’accumulaient. Dans les rues de Belgrade les conflits se multipliaient mettant, ainsi en danger, leur projet d’être ensemble et de vivre enfin leur amour pleinement.

Cela devenait de plus en plus difficile. Joyce avait peur pour Bojan, qui lui craignait ne pas pouvoir venir, à cause de la terrible situation qui se développait dans son pays. Si une guerre civile éclatait, il lui serait impossible de partir. Le temps jouait contre eux. D’une part ils se languissaient de ne pas pouvoir être ensemble et d’autre part ils souffraient de cette conjoncture. Maintenant c’était la tristesse qui s’installait à chaque fin de conversation.

 

Malgré tout ils voulaient garder leur bonne humeur. Chaque matin, chaque soir, ils faisaient en sorte de rigoler et de garder le sourire pour se soutenir l’un et l’autre. L’univers ne pouvait pas les avoir mis en contact pour ne pas les faire se rencontrer un jour.

Bien que Bojan avait expressément confié à Joyce qu’il était de son honneur de réunir la somme nécessaire, pour la rejoindre, Joyce se triturait l’esprit pour trouver également une solution rapide. Elle croyait à nouveau en l’amour. Elle ne voulait pas le perdre, pour elle c’était assurément le dernier amour de sa vie.

Cette nuit là, Joyce fit un rêve, elle se réveilla en sursaut. Elle resta assise dans son lit de longues minutes, afin de se remémorer chaque instant de ce rêve qui lui redonna de l’espoir.

Elle prit sa voiture et se rendit au bureau de tabac le plus proche. Elle acheta un billet de loterie. Le tirage du jeu n’avait lieu qu’une semaine après. Joyce n’avait rien dit à Bojan, elle ne voulait pas le décevoir. Elle n’était pas croyante, mais elle levait la tête vers le ciel, chaque matin, en suppliant l’univers de lui accorder sa clémence pour permettre à cet amour, si intense, d’exister dans la réalité.

Chaque soir, Joyce et Bojan passait toute la nuit à exprimer leur amour et à évoquer la splendeur de leur rêve lorsqu’il serait réalité.

Le jour du tirage arriva enfin. Joyce était devant son écran, billet à la main. Son cœur battait à 100 à l’heure. Les numéros sortaient très lentement, entretenant ainsi le suspens. Les yeux de Joyce s’étaient figés. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle voyait. Il lui manquait un numéro pour toucher le gros lot. Elle regarda le montant correspondant à sa combinaison, en retenant son souffle…13852€ ! Elle se mit à pleurer. Ce n’était, certes, pas des millions, mais l’univers l’avait entendu. Avec somme elle pouvait largement régler le montant du billet d’avion qui allait réunir ses deux êtres, éperdument amoureux.

Elle appela aussitôt Bojan pour lui annoncer la nouvelle. Ce soi- là les larmes étaient au rendez-vous. Des larmes de joie et d’amour.

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